Communiqués de presse

SPIRou scrute une jeune rebelle: le système planétaire AU Mic

Vue d’artiste de la très jeune naine rouge éruptive AU Mic et de sa planète nouvellement découverte, avec au loin le disque de débris qui a donné naissance à la planète. (Crédit: NASA/JPL-Caltech)
Vue d’artiste de la très jeune naine rouge éruptive AU Mic et de sa planète nouvellement découverte, avec au loin le disque de débris qui a donné naissance à la planète. (Crédit: NASA/JPL-Caltech)

SPIRou, le nouveau spectropolarimètre infrarouge de haute précision récemment installé au télescope Canada-France-Hawaii, a permis de mesurer pour la première fois la masse et la densité d’une planète semblable à Neptune en orbite proche autour d’une étoile jeune et extrêmement active. Ces résultats s’inscrivent dans une étude internationale des propriétés de ce système planétaire récemment découvert, impliquant notamment le télescope Canada-France-Hawaii et des chercheurs de l’Institut de recherche sur les exoplanètes.

AU Microscopii (AU Mic) est une jeune étoile située à seulement 32 années-lumière de la Terre, dans la constellation du Microscope. Avec une masse de la moitié de celle du Soleil et une température d’à peine 3500°C (contre 5500°C pour le Soleil), c’est ce qu’on appelle une naine rouge. AU Mic et sa planète AU Mic b, récemment détectée, sont âgées de 22 millions d’années, soit quelques mois à peine si l’on rapporte la durée de vie d’une étoile à celle d’un être humain.

 

Détecter des planètes avec SPIRou au Télescope Canada-France-Hawaii

SPIRou est le nouveau spectropolarimètre infrarouge de haute précision installé depuis 2018 au Télescope Canada-France-Hawaii (TCFH) de 3,6 m situé au sommet du Mauna Kea sur la grande île d’Hawai’i. Cet instrument est le fruit d’une collaboration internationale dirigée par Jean-François Donati (Université de Toulouse, IRAP), chercheur principal du projet, et de René Doyon, co-chercheur principal et directeur de l’Institut de recherche sur les exoplanètes et de l’Observatoire du Mont-Mégantic. Fonctionnant dans l’infrarouge, SPIRou a été optimisé pour la détection d’exoplanètes et la cartographie des champs magnétiques des naines rouges et des étoiles jeunes, qui brillent dans ce domaine de longueur d’onde.

Pour trouver des exoplanètes, SPIRou utilise la technique de la vélocimétrie, qui consiste à mesurer le mouvement de l’étoile dû à l’attraction gravitationnelle de toutes ses planètes. L’amplitude de ce mouvement nous renseigne sur la masse de la planète, sur la distance respective des deux corps ainsi que sur l’inclinaison et la forme de l’orbite de la planète. SPIRou peut aussi effectuer en même temps une analyse polarimétrique de la lumière stellaire, permettant de détecter le champ magnétique des étoiles, et ainsi de décrire l’activité magnétique qui pollue les données vélocimétriques. En effet, si AU Mic b module la vitesse radiale de son étoile de 8.5 m/s, l’activité magnétique à la surface de AU Mic induit des variations apparentes de vitesse radiale qui peuvent atteindre 80 m/s et qui peuvent noyer le signal causé par la planète.

Le nouveau spectropolarimètre SPIRou, grâce auquel ces nouveaux résultats ont été obtenus, a été installé au Télescope Canada-France-Hawaii en 2018.  (Crédit: SPIRou Team/S. Chastanet/CNRS/OMP)

 

Une étoile rebelle

La forte activité magnétique AU Mic est due à son très jeune âge. Il y a à la surface de l’étoile des taches géantes abritant d’intenses champs magnétiques.  Dans un tel contexte, détecter le petit signal de la planète dans le vacarme engendré par l’activité stellaire est un défi instrumental et observationnel que SPIRou a pu relever avec brio grâce à ses capacités vélocimétriques et polarimétriques uniques. Cette prouesse a nécessité une analyse détaillée des données SPIRou au moyen de techniques numériques sophistiquées, qui ont permis de révéler le signal planétaire par une modélisation précise des phénomènes magnétiques opérant à la surface de l’étoile jeune.

 

La masse de AU Mic b

SPIRou a mesuré pour la première fois la masse de AU Mic b et, en combinant à la mesure de rayon obtenue par la TESS, l’équipe a pu obtenir la première estimation de la densité de la planète.  AU Mic b se révèle être à peine plus dense que de l’eau, soit 4 fois moins dense que la Terre. Sa densité est étonnamment similaire à celle de Neptune. AU Mic b orbite cependant 450 fois plus près de son étoile que Neptune ne le fait autour du Soleil. Son atmosphère atteint 300°C, ce qui fait d’elle une planète de type Neptune chaude. AU Mic b devient ainsi la première planète dont la masse et la densité moyenne sont mesurées de manière fiable avec SPIRou, et la première planète jeune pour laquelle ces quantités sont connues.

 

À propos de l’étude

Quatre articles permettent de mieux connaitre le système d’AU Mic. L’article « Investigating the young AU Mic system with SPIRou: large-scale stellar magnetic field and close-in planet mass » sera publié dans la revue MNRAS, l’article « Spin-orbit alignment and magnetic activity in the young planetary system AU Mic« , dans Astronomy & Astrophysics, l’article « SPIRou: NIR velocimetry and spectropolarimetry at the CFHT » dans MNRAS et l’article « Early science with SPIRou: near-infrared radial velocity and spectropolarimetry of the planet-hosting star HD 189733 » dans Astronomy & Astrophysics. L’équipe scientifique comprend des chercheurs de l’IRAP/CNRS (B Klein, JF Donati, C Moutou), dont la plupart a aussi pris en charge la construction, la validation et les tests de l’instrument SPIRou à l’IRAP et au CFHT, de l’IAP/CNRS (E Martioli, G Hébrard, S Dalal), de l’IPAG  (X Delfosse, X Bonfils), de l’Institut de recherche sur les exoplanètes (É. Artigau, R. Doyon, L. Malo, O. Hernandez, P. Vallée, N. Cook et S. Thibault) et de plusieurs autres pays et partenaires du projet SPIRou.  Ces études ont bénéficié de ressources supplémentaires de l’ERC (European Research Council, bourse #740651 NewWorlds) et l’ANR (Agence Nationale de la Recherche, bourse ANR- 18-CE31-0019 SPlaSH). SPIRou a été financé par divers partenaires en France, Canada, CFHT, Switzerland, Brazil, Taiwan, et Portugal.

 

Contacts

CNRS/INSU : B Klein, JF Donati & C Moutou à IRAP, E Martioli & G Hébrard à IAP
Contact Télescope Canada-France-Hawaii : Mary Beth Laychak mary@cfht.hawaii.edu

 

Liens