2020

Premières images pour le spectrographe NIRPS

Une image de l’instrument NIRPS et de son système d’optique adaptative. (Crédit: N. Blind/Observatoire de Genève/Consortium NIRPS/ESO)
Une image de l’instrument NIRPS et de son système d’optique adaptative. (Crédit: N. Blind/Observatoire de Genève/Consortium NIRPS/ESO)

Le spectrographe de NIRPS, dont la conception est chapeautée par une équipe de l’Observatoire du Mont-Mégantic (OMM), du Centre d’optique photonique et laser (COPL) et de l’Institut de recherche sur les exoplanètes (iREx), en association avec des ingénieurs de l’Institut Herzberg d’astrophysique du CNRC, a obtenu en août ses toutes premières images en laboratoire, à l’Université Laval. C’est une étape importante avant que cet instrument soit installé au télescope de 3,6 m de La Silla au Chili et puisse débuter son étude des exoplanètes. satellite spatial de la NASA TESS (pour Transiting Exoplanet Survey Satellite) a terminé en juillet dernier sa première mission, après deux ans d’observations continues du ciel.

NIRPS (pour Near InfraRed Planet Searcher) est un spectrographe construit par une collaboration internationale menée par René Doyon, directeur de l’iREx et de l’OMM, et François Bouchy, de l’Observatoire astronomique de l’Université de Genève. Opérant dans le domaine de la lumière infrarouge, il est optimisé pour étudier des exoplanètes de masse similaire à la Terre autour d’étoiles froides. Il sera en opération dès 2021 au télescope de 3,6 mètres de La Silla, au Chili, opéré par l’ESO (European Southern Observatory). 

« Cela fait 5 ans qu’on travaille sur NIRPS, » explique Étienne Artigau, chercheur à l’iREx et responsable scientifique de NIRPS. « C’est très motivant pour l’équipe scientifique de réaliser qu’on n’est plus qu’à quelques mois de se lancer à la recherche d’exoplanètes avec cet instrument. » 

 

Premier cycle thermique

C’est pendant le printemps et une partie de l’été que l’assemblage de l’instrument a été effectué, sous la supervision de Simon Thibault, professeur à l’Université Laval, membre du COPL et membre associé de l’IREx, dans les laboratoires de l’Université Laval. Puis, l’équipe pu amorcer le premier « cycle thermique » de l’instrument, le 31 juillet dernier. Cette étape consiste à rassembler tous les éléments optiques et à les aligner avec une grande précision dans le cryostat, une enceinte qui permet de maintenir l’appareil à une très basse température. 

L’équipe procédant à la fermeture de l’enceinte cryogénique le 31 juillet 2020, dans les laboratoires du Centre d’optique-photonique et laser, à l’Université Laval. De gauche à droite: Lison Malo (iREx, OMM, Université de Montréal), Anne-Sophie Poulin-Girard (COPL, Université Laval), Hugues Auger (COPL, Université Laval) et Philippe Vallée (OMM, Université de Montréal). (Crédit: L. Malo)

Le spectrographe comprend, entre autres, cinq prismes de séléniure de zinc (ZnSe), un matériel optique idéal pour les observations dans l’infrarouge. Il décompose la lumière en un arc-en-ciel infrarouge allant de 0.97 à 1.81µm, une lumière invisible à l’œil nu. 

« C’est tout un casse-tête de faire l’assemblage de l’instrument », raconte Philippe Vallée, spécialiste en instrumentation de l’Observatoire du Mont-Mégantic. « Il faut comprendre que c’est à la température ambiante qu’on doit placer toutes les composantesOr, les pièces en verre se contractent beaucoup moins que les pièces en aluminium quand elles se refroidissentUne erreur de calcul ou d’assemblage, et ça fait crac lors du refroidissement à température cryogénique! » 

Philippe Vallée, spécialiste en instrumentation de l’Observatoire du Mont-Mégantic, travaille sur l’instrument. À gauche, on le voit procéder au collage des supports mécaniques sur les côtés d’un prisme de ZnSe. Le spectrographe est composé de 5 prismes comme celui-là. À droite, on le voit faire des ajustements sur le détecteur H4RG. (Crédit: L. Malo)

« Après l’intégration des sous-systèmes sur le banc optique, on doit s’assurer que tout est bien en place, selon les tolérances de positionnement fournies. », explique Anne-Sophie Poulin-Girard, professionnelle de recherche au COPL. « C’est une étape critique pour s’assurer que le système aura les performances souhaitées. Heureusement, on dispose de machines à mesurer tridimensionnelle qui nous permettent de vérifier le positionnement mécanique, et d’une panoplie de tactiques optiques pour valider l’alignement des différents éléments. »  

Puisque NIRPS opère dans le domaine de la lumière infrarouge, il est crucial qu’il soit refroidi à environ -200 degrés Celsius, afin qu’il n’émette pas lui-même de lumière qui viendrait polluer les données. Le refroidissement est une procédure délicate qui nécessite près de deux semaines pour être complétée. 

C’est le 12 août que l’équipe a pu prendre les premières images avec l’instrument. Comme l’instrument n’est pas encore au télescope, c’est non pas de la lumière d’une étoile, mais plutôt celle de lampes de calibration que ces images ont captée  

 

L’instrument NIRPS dans le laboratoire du COPL. Le petit carré doré est un réseau de diffraction qui permet de décomposer la lumière. La plaque en cuivre à droite accueille les fibres optiques qui transmettent la lumière à l’instrument. En laboratoire, c’est la lumière de lampes de calibration, mais éventuellement, ce sera la lumière d’étoiles recueillie par le télescope. (Crédit: L. Malo)

Parmi les premières images de NIRPS, on trouve celle ici-bas, qui montre la lumière d’une lampe de calibration décomposée en un arc-en-ciel infrarouge étalé sur le détecteur. Dans l’image, chacun des arcs correspond à une portion de la lumière infrarouge. Un dégradé de teintes de rouge a été choisi pour représenter cette lumière, qui est toutefois invisible à l’œil humain. 

 

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Image montrant la décomposition de la lumière d’une lampe de calibration après son passage dans le spectrographe de NIRPS. Chaque petit arc lumineux correspond à une portion du spectre électromagnétique que l’instrument peut étudier, dans l’infrarouge. (Crédit: Consortium NIRPS)

Le spectrographe est la troisième et dernière partie de NIRPS à être testée avant d’être envoyée à La Silla. La monture d’interface entre le télescope et le lien fibré, qui inclut le module d’optique adaptative, a déjà été livrée par une équipe de chercheurs de l’Observatoire de Genève, de même que le lien fibré, dont la conception était chapeautée par une équipe de l’Instituto de Astrofísica de Canarias.  

 

Petite sœur de SPIRou

NIRPS est en quelque sorte la petite sœur de SPIRou, uSpectroPolarimètre InfraRouge à haute résolution en opération depuis 2018. Installé au télescope Canada-France-Hawaii, SPIRou a accès aux étoiles de l’hémisphère Nord. L’instrument NIRPS, pour sa part, sera installé au Chili et aura donc accès aux étoiles de l’hémisphère Sud. Au télescope de 3,6 mètres de l’ESO à La Silla, il va rejoindre HARPS (pour High Accuracy Radial velocity Planet Searcher), un des plus performants chasseurs d’exoplanètes, qui opère depuis 2003 dans le domaine de la lumière visible. Tout comme SPIRou, NIRPS aura comme objectif de détecter des exoplanètes de masse semblable à la Terre autour des étoiles froides, en utilisant la méthode de vitesse radiale (aussi appelée méthode de vélocimétrie)Ces étoiles sont relativement froides et émettent donc la plupart de leur lumière dans l’infrarouge, d’où l’importance de les étudier dans ce domaine de longueur d’onde. Trouver des planètes semblables à la Terre, potentiellement habitables ou même habitées, serait une découverte monumentale dans le domaine. 

 

NIRPS, un instrument de suivi

Un des plus importants rôles de NIRPS sera le suivi des exoplanètes candidates identifiées par le télescope spatial TESS (pour Transiting Exoplanet Survey Satellite) de la NASA. Ce télescope exploite la méthode du transit, qui permet ddéterminer la taille d’une planète qui passe devant son étoile, mais pas sa masse. Suite à la fin de sa mission principale, TESS a confirmé l’existence de plus de 60 exoplanètes et a identifié plus de 2000 candidates exoplanètes. NIRPS effectuera un suivi de ces candidates afin de confirmer leur existence et de contraindre leur masse. Il est particulièrement intéressant d’obtenir à la fois la taille et la masse d’une exoplanète, puisque cela permet de contraindre la composition de cette dernière et ainsi déterminer, entre autres, si elle est rocheuse ou gazeuse