2020

Mieux comprendre le système de Beta Pictoris

Représentation artistique du système de Beta Pictoris. (Crédit: GRAVITY Collaboration/A. M. Quetz/MPIA Graphics Department)
Représentation artistique du système de Beta Pictoris. (Crédit: GRAVITY Collaboration/A. M. Quetz/MPIA Graphics Department)

Des travaux récents menés par Thomas Vandal, étudiant à la maîtrise à l’iREx sous la supervision de René Doyon, ont permis de contraindre les caractéristiques physiques des planètes autour de Beta Pictoris grâce à une nouvelle méthode statistique.

 

La fascinante étoile Beta Pictoris

Beta Pictoris est une étoile bien connue des astronomes. Située à seulement 63 années-lumière du Soleil, cette étoile possède un riche système comprenant un disque de gaz et de débris et au moins deux exoplanètes géantes. La plus éloignée de l’étoile, Beta Pictoris b, est l’une des premières à avoir été découverte par la méthode d’imagerie directe, qui permet de prendre en photographie la planète, en 2008.  La plus rapprochée, nommée Bêta Pictoris c, a pour sa part été découverte en 2019 par la méthode de la vélocimétrie, qui mesure le mouvement de l’étoile dû à l’attraction gravitationnelle de toutes ses planètes.

Tout récemment, la planète Beta Pictoris c a été imagée directement grâce à l’instrument GRAVITY, qui se trouve sur un télescope de l’Observatoire européen austral au Chili. Il s’agit d’une prouesse technologique, puisqu’il est très difficile d’imager une planète qui se trouve si près de son étoile, soit à seulement environ trois fois la distance Terre-Soleil.

 

Détecter Beta Pictoris b et c: tout un exploit!

Il est assez rare que, dans un système donné, on découvre une planète par imagerie directe et une autre par vélocimétrie, et encore plus rare qu’une même planète soit identifiée grâce à ces deux méthodes. Les planètes trouvées par la méthode directe sont typiquement des planètes qui ressemblent à Jupiter sur des orbites beaucoup plus larges (elles sont à des distances entre 2 et 400 fois la distance Soleil-Jupiter). Pour les trouver, on étudie principalement des étoiles jeunes qui ont des planètes chaudes et brillantes. Dans le cas de la méthode de vélocimétrie, on trouve typiquement des planètes qui sont beaucoup plus près de leur étoile, car elles ont un effet gravitationnel plus grand sur ces dernières. On favorise aussi l’étude d’étoiles vieilles qui sont moins actives, ce qui facilite la détection des planètes.

Représentation artistique du système de Beta Pictoris, avec l’étoile au centre, les deux planètes (“b” et “c”) et le disque de poussière. Crédit: GRAVITY Collaboration / Axel M. Quetz, MPIA Graphics Department.

Ce n’est pas le cas de Beta Pictoris qui, à un âge d’environ 25 millions d’années, est une étoile beaucoup plus jeune que le Soleil. C’est aussi une étoile variable dont les pulsations rendent la détection de planètes par la méthode de vélocimétrie ardue. Pour ne pas confondre les pulsations avec le signal d’une planète, il est nécessaire de bien comprendre l’étoile.

 

Une nouvelle méthode afin de contraindre les caractéristiques physiques des planètes

Thomas Vandal. (Crédit: É. Artigau)

C’est justement ce que les travaux de Thomas Vandal, étudiant à la maîtrise à l’iREx à l’Université de Montréal sous la supervision de René Doyon, permettent. Ces travaux, qui se penchent sur le système de Beta Pictoris, seront publiés sous peu dans The Astronomical Journal.

Les auteurs ont utilisé des données d’archives du Antarctica Search for Transiting Extrasolar Planets (ASTEP) et de l’instrument HARPS de l’Observatoire européen austral afin de modéliser l’activité de l’étoile grâce à un processus gaussien: un processus statistique qui permet de faire des prédictions à partir de données obtenues préalablement. L’activité de l’étoile est habituellement modélisée avec un grand nombre de paramètres correspondant aux propriétés physiques du système, ce qui rend le calcul très complexe. Le processus utilisé par les auteurs a permis de simplifier le calcul et de contraindre les masses et les orbites des planètes Beta Pictoris b et c.

Cependant, les masses des planètes dépendent aussi de certains paramètres orbitaux qui peuvent être extraits des données d’imagerie directe. En combinant les données de plusieurs instruments (VLT/NaCo, Gemini-South/NICI, Magellan/MagAO, Gemini-South/GPI, VLT/SPHERE, VLTI/GRAVITY), les auteurs ont obtenu une masse de 11.7 fois la masse de Jupiter pour Beta Pictoris b et de 8.5 fois la masse de Jupiter pour Beta Pictoris c, ce qui est similaire à des estimations faites par d’autres équipes.

 

Des nouvelles mesures essentielles pour les théoricien.ne.s

Déterminer la masse exacte d’une exoplanète n’est pas une tâche simple. Lorsque seulement des données d’imagerie directe sont disponibles, il est nécessaire d’utiliser des modèles théoriques afin d’estimer la masse. Cependant, il existe très peu de systèmes pour lesquels il est possible d’évaluer la masse de la planète de façon indépendante et ainsi confirmer les modèles.

Comme la masse de Beta Pictoris b estimée par l’équipe de Thomas Vandal ne dépend pas de modèles, elle peut être comparée à la masse prédite par ceux-ci. Il est rassurant de constater que la masse estimée et la masse prédite par certains des modèles sont compatibles. Cette nouvelle estimation permet donc aux théoricien.ne.s d’ajuster leurs modèles.

 

Et la suite?

La confirmation de la planète Bêta Pictoris c par imagerie directe permettra de mettre de nouvelles contraintes et ainsi de mieux comprendre le système de Bêta Pictoris. Gageons que cette étoile continuera d’être l’une des étoiles préférées des astronomes dans les prochaines années!

 

Lire l’article scientifique

https://ui.adsabs.harvard.edu/abs/2020arXiv200909276V/abstract (en anglais)