2015

Il pleut des astéroïdes… sur une naine blanche

Représentation artistique de la désintégration d’un corps céleste rocheux en orbite autour de la naine blanche WD 1145+017. (Crédit: M. A. Garlick)
Représentation artistique de la désintégration d’un corps céleste rocheux en orbite autour de la naine blanche WD 1145+017. (Crédit: M. A. Garlick)

Une équipe internationale d’astronomes a annoncé aujourd’hui la découverte d’un objet céleste rocheux de grande taille qui se désagrège et tourbillonne dans une spirale funeste autour d’une étoile naine blanche. La découverte confirme une théorie de longue date sur les sources de pollution des atmosphères de naines blanches par des métaux.

Patrick Dufour. (Crédit: É. Artigau)

« C’est tout simplement incroyable et personne ne l’avait encore observé à ce jour », tels sont les mots d’Andrew Vanderburg, premier auteur de la découverte et chercheur au Harvard-Smithsonian Center for Astrophysics (CfA) aux États-Unis. « Nous assistons à la destruction d’un système solaire en direct », ajoute son collègue Patrick Dufour, professeur au Département de physique de l’Université de Montréal et chercheur à l’Institut de recherche sur les exoplanètes (iREx).

Localisée à environ 570 années-lumière de la Terre dans la constellation la Vierge, les variations de luminosité de la naine blanche WD 1145+017 ont intrigué l’équipe d’astrophysiciens dirigée par Andrew Vanderburg. Grâce aux données du télescope spatial Kepler – dont l’objectif est d’observer les variations infimes de l’éclat d’une étoile causée par des éclipses dues à la présence d’objets en orbite autour de ces dernières – l’équipe a pu mettre en évidence la présence de plusieurs corps célestes rocheux. Ces corps sont probablement des morceaux d’astéroïde en train de se désagréger,et orbitant autour de WD 1145+017 à une distance de 800000 km environ (à peine un peu plus de deux fois la distance Terre-Lune), et éclipsant leur étoile toutes les quatre heures et demie.

L’équipe a raffiné son analyse en faisant des observations supplémentaires sur un certain nombre de télescopes basés au sol. En combinant toutes ces données, ils ont pu identifier les signatures d’autres fragments de cet astéroïde, tous ces fragments éclipsant la lumière de la naine blanche dans les mêmes intervalles de temps. La particularité de ces éclipses provient de la forte atténuation de la lumière de la naine blanche (jusqu’à 40%), tout à fait exceptionnelle. De plus, la modélisation de la forme du signal provenant de l’éclipse, nous révèle que cet objet céleste pourrait ressembler à une comète. Ces deux arguments suggèrent alors la présence d’un nuage étendu de poussière entourant les fragments de cet astéroïde dont la masse et la taille seraient proches de celle de Cérès, le plus grand astéroïde dans notre système solaire (1000 km de diamètre environ).

 

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C’est grâce aux travaux de modélisation de Patrick Dufour que l’équipe a pu confirmer la nature du corps céleste. En effet, les chercheurs se sont efforcés de caractériser la naine blanche et son atmosphère autour de laquelle cet objet est en orbite.

Les naines blanches sont des étoiles « mortes » dont le cœur ne produit plus d’énergie via des réactions thermonucléaires. Ce sont des objets astronomiques très compacts dont le champ de gravité à leur surface est plus de 100,000 fois supérieurs à celui de la Terre ! Les éléments chimiques les plus lourds (tels le carbone, le magnésium, le silicium, le fer, etc.) coulent donc rapidement vers le centre de l’étoile alors que l’hydrogène et l’hélium, les deux éléments les plus légers, auront tendance à « flotter » à la surface. C’est ce qui explique que la très grande majorité des naines blanches connues possèdent une atmosphère très pure en hydrogène et/ou hélium. Pourtant, il arrive que les chercheurs trouvent des traces de ces éléments lourds – appelés communément métaux, dans l’atmosphère des naines blanches. Par quels mécanismes ces éléments lourds se retrouvent-ils à la surface de la naine blanche ?

WD1145+017 est une naine blanche qui souffre de son environnent. La source principale de la présence de métaux dans son atmosphère ne vient pas de son cœur mais plutôt de la présence d’une multitude de corps rocheux, qui perdent à chaque rotation autour de son orbite de l’étoile une partie de sa poussière, ainsi que du disque de débris en orbite lui aussi. Bref, nous assistons à la chute rapide d’un astéroïde – disloqué en morceaux – vers la naine blanche, annonçant sa destruction proche !

« Il existe maintenant un lien direct entre la pollution de l’atmosphère des naines blanches par des métaux et l’évolution et la destruction des planètes mineures telluriques » poursuit Vanderburg.

Les travaux de modélisation du professeur Patrick Dufour sur WD1145+017 ont également permis de déterminer la composition chimique de la poussière d’astéroïde qui s’est déposée à la surface de l’étoile.

« C’est très similaire à la Terre. L’étude de tels objets pourra nous en apprendre beaucoup sur la formation et la composition de planètes rocheuses autour d’autres étoiles» ajoute M. Dufour.

Une question reste en suspens : quelle est l’origine de la présence de ces corps rocheux près de la naine blanche? Un scénario probable serait possiblement qu’une planète rocheuse soit devenue instable sur son orbite et qu’elle ait plongé vers la naine blanche et ce soit désagrégé. Une chose est sure, ce phénomène, tout à fait exceptionnel, sera de courte durée. Les restes rocheux se vaporiseront dans la couronne très chaude de WD1145+017 ou seront soumis à la forte gravité de celle-ci. Dans quelques millions d’années tout au plus, les astrophysiciens n’y verront plus que du feu…

La découverte a été publiée  le 21 octobre 2015 dans la revue Nature.

Source: Harvard-Smithsonian Center for Astrophysics

 

Renseignements :

Olivier Hernandez, Coordonnateur iREx, relations avec les medias, CRAQ – Université de Montréal
Tél. : 514-343-6111 ext. 4681 | olivier@astro.umontreal.ca | @iExoplanets