2017

Des super-Terres et des mini-Neptunes

Ce dessin illustre les grandes familles d’exoplanètes. (Crédit: NASA/Kepler/Caltech/T. Pyle)
Ce dessin illustre les grandes familles d’exoplanètes. (Crédit: NASA/Kepler/Caltech/T. Pyle)

Une équipe internationale, dont fait partie la chercheure postdoctorale Lauren Weiss, de l’Institut de recherche sur les exoplanètes (iREx) de l’Université de Montréal, a étudié en détail la plupart des planètes découvertes par le télescope spatial Kepler de la NASA. Dans leur étude basée sur des données de l’Observatoire W. M. Keck et publiée ce mois-ci dans The Astronomical Journal, les chercheurs ont réussi à classer la majorité des exoplanètes trouvées jusqu’à maintenant en deux groupes distincts : les « super-Terre » et les « mini-Neptune ». Les premières sont des planètes rocheuses, similaires à la Terre, dont la taille va jusqu’à 1,75 fois celle de la taille de notre planète. Les secondes, quant à elles, sont entourées de gaz, et ont une taille variant de 2 à 3,5 fois celle de la Terre, se rapprochant ainsi du diamètre de la planète Neptune, dans notre Système Solaire. Entre les deux, à une taille d’environ 1,8 fois celle de la Terre, il semble y avoir très peu de planète, ce qui suggère que les mécanismes de formation des planètes dans notre galaxie ne conduisent qu’à ces deux classes.

Des chercheurs utilisant des données de l’Observatoire W.M. Keck et de la mission Kepler de la NASA ont découvert que la plupart des planètes découvertes jusqu’à maintenant se classent dans deux catégories distinctes de taille: les planètes rocheuses similaires à Kepler-452b et les Mini-Neptunes similaires à Kepler-22b. À des tailles intermédiaires entre les deux catégories, il y a très peu de planètes. (Crédit: NASA/Ames/Caltech/University of Hawaii/B. J. Fulton)

« C’est une nouvelle division importante dans l’arbre de classification des planètes, aussi importante que la découverte de la séparation des branches des mammifères et des lézards dans l’arbre de la vie, en biologie. » explique Andrew Howard, professeur en astronomie à Caltech et scientifique en charge du projet.

Ce dessin illustre les grandes familles d’exoplanètes. Les planètes naissent dans des disques de gaz et de poussières en rotation appelés « disques protoplanétaires ». Des planètes géantes comme Jupiter peuvent s’y former, de même que des plus petites planètes, de taille intermédiaire entre celle de la Terre et de Neptune. Des chercheurs utilisant les données de l’Observatoire W. M. Keck et de la mission Kepler de la NASA ont découvert que ces plus petites planètes se divisent assez clairement en deux groupes distincts de taille: les planètes rocheuses de taille similaire à la Terre ou juste un peu plus grosses (« super-Terre »), et les planètes gazeuses, significativement plus grosses (« mini-Neptune »). (Crédit: NASA/Kepler/Caltech/T. Pyle)

Alors que dans notre Système Solaire, il n’y a pas de planètes avec une taille entre celle de la Terre et de Neptune, le télescope spatial Kepler a montré que presque toutes les étoiles en possédaient au moins une.

Kepler identifie les planètes grâce à méthode du transit. Cette méthode consiste à repérer la diminution de la lumière d’une étoile lorsqu’une planète passe devant. Elle ne permet pas de mesurer directement la taille d’une planète. Comme la seule mesure disponible est la diminution de luminosité de l’étoile, il est crucial d’avoir une mesure précise de la taille de l’étoile pour déduire précisément la taille de la planète.

L’équipe de chercheurs de Caltech – avec des collègues de plusieurs institutions dont l’Université de la Californie à Berkeley, l’Université d’Hawaii, l’Université Harvard, l’Université Princeton et l’Université de Montréal –  a consacré plusieurs années à obtenir des mesures précises des tailles des étoiles hôtes des planètes trouvées par Kepler, ce qui, en retour, leur a permis de déterminer plus précisément le diamètre des planètes.

« Avant cette étude, tenter de classer les planètes selon leur taille était similaire à essayer de classer des grains de sable à l’œil nu, » explique Benjamin J. (B. J.) Fulton, l’étudiant du groupe du Professeur Howard qui a mené l’étude. « Par analogie, on pourrait dire que les mesures faites au Keck consistent à utiliser une loupe pour étudier les grains de sable. Grâce aux spectres des étoiles que nous avons obtenus, nous avons pu voir des détails là où on n’en voyait pas avant. »

Avec les nouvelles données du Keck, les chercheurs ont mesuré la taille de 2000 exoplanètes avec une précision 4 fois meilleure que ce qui avait été fait auparavant. L’analyse de la distribution des tailles a montré une séparation franche entre les planètes de la taille de la Terre ou juste un peu plus grosses et celles de la taille de Neptune ou légèrement plus petites. Entre les deux, à une taille d’environ 1,8 fois celle de la Terre, il y a une nette absence de planètes.

La cause du manque de planète à cette dimension n’est pas claire. Les scientifiques ont deux explications plausibles. La première serait basée sur l’idée que la plupart des planètes formées dans les disques protoplanétaires seraient de taille similaire à la Terre. Certaines de ces planètes, pour des raisons encore plus ou moins bien comprises, acquerraient rapidement une quantité appréciable d’hydrogène et d’hélium gazeux, ce qui les ferait passer dans l’autre catégorie.

Ce diagramme illustre comment les planètes se forment. Premièrement, des coeurs rocheux sont assemblés à partir de roches et cailloux plus petits. Ensuite, les coeurs attirent plus ou moins d’hydrogène et d’hélium gazeux. Finalement, les jeunes planètes sont réchauffées par l’étoile et perdent une certaine quantité de gaz. Au delà d’un certain seuil, les planètes conservent une épaisse couche de gaz et deviennent des mini-Neptune; en deçà, elles perdent tout leur gaz et deviennent des super-Terre rocheuses. (Crédit: NASA/Kepler/Caltech/R. Hurt)

« Si une planète acquière ne serait-ce qu’un pourcent de sa masse sous forme de gaz, c’est assez pour générer une augmentation significative de sa taille et la faire passer dans la catégorie des Mini-Neptunes, » explique le Professeur Howard. « Ces planètes sont comme des boules de roche avec des gros ballons de gaz autour d’elles. Les gaz étant très légers, ils ne représentent pas une grosse fraction de la masse, mais ils contribuent à rendre la planète beaucoup plus grosse. »

La seconde raison plausible serait que les planètes qui se formeraient avec une taille intermédiaire perdraient rapidement leur gaz, qui serait brûlé lorsqu’exposé à la radiation provenant de l’étoile hôte.

« En réalité, il est probable que les deux scénarios contribuent à créer la lacune de planètes observée à une taille intermédiaire, » explique le Professeur Howard.  « On croit que les planètes sont rarement formées à cette taille, et que même quand ça arrive, il arrive souvent que leur atmosphère se fasse souffler par l’étoile. Elles perdent donc rapidement leur gaz, retombant dans la catégorie des planètes terrestres. »

Dans le futur, les chercheurs veulent étudier le contenu en éléments lourds des ces petites planètes pour en apprendre plus sur leur composition. « Nous vivons à l’âge d’or de la recherche en astronomie sur les exoplanètes, parce que nous trouvons des milliers de planètes autour d’autres étoiles, » d’ajouter Erik Petigura, co-auteur de l’étude et chercheur postdoctoral Hubble à Caltech. « Nous en sommes maintenant à tenter d’appréhender la composition des mini-Neptune, ce qui devrait nous aider à expliquer comment et pourquoi ces planètes se forment si facilement autour des autres étoiles mais pas autour de la nôtre. »

 

Plus d’informations

L’article The California-Kepler Survey. III. A Gap in the Radius of Distribution of Small Planets est publié dans The Astronomical Journal. Il a été financée par la NASA et la National Science Foundation. En plus de Benjamin J. Fulton (Caltech, University of Hawaii), Erik A. Petigura (Caltech), Andrew W. Howard (Caltech) et Lauren M. Weiss (Institut de recherche sur les exoplanètes iREx de l’Université de Montréal), l’équipe comprend Howard Isaacson (UC Berkeley), Geoffrey W. Marcy (UC Berkeley), Phillip A. Cargile (Harvard), Leslie Hebb (Hobart and William Smith Colleges), John Asher Johnson (Harvard), Timothy D. Morton (Princeton), Evan Sinukoff (University of Hawaii, Caltech), Ian J. M. Crossfield (University of California, Santa Cruz) et Lea A. Hirsch (Caltech).

L’Observatoire W. M. Keck est une organisation privée à but non lucratif et un partenariat scientifique de Caltech, de l’Université de la Californie et de la NASA.

NASA’s Ames Research Center gère les missions Kepler et K2 pour le Science Mission Directorate de la NASA. Le Jet Propulsion Laboratory de la NASA à Pasadena, en Californie, gère le développement de la mission Kepler. Ball Aerospace & Technologies Corp. opère le système de vol avec le support du Laboratory for Atmospheric and Space Physics à l’Université du Colorado à Boulder.

 

Contact

Lauren Weiss
Institut de recherche sur les exoplanètes, Université de Montréal
lauren.m.weiss@gmail.com

 

Source

Whitney B. Clavin
Caltech
wclavin@caltech.edu

Marie-Eve Naud
Institut de recherche sur les exoplanètes, Université de Montréal
514-343-6111, x 7077
irex@astro.umontreal.ca

 

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