Communiqués de presse

Des astronomes mettent au point un système optique innovateur servant à détecter les exoplanètes près de leur étoile

Une image du Soleil prise à l'aide d'un coronographe. (Crédit: NASA/SOHO)
Une image du Soleil prise à l'aide d'un coronographe. (Crédit: NASA/SOHO)

Des astronomes de l’Université de Leyde (Pays-Bas) et de l’Université d’Arizona (aux États-Unis) ont réussi à mettre au point un nouveau type de système optique pouvant capter l’image d’une exoplanète située près de son étoile. Le coronographe « vector Apodizing Phase Plate » ( ou encore vector-APP) a été installé en mai 2015 sur le télescope Magellan de 6,5 m, au Chili, et les premières observations ont démontré sa capacité a obtenir de forts contrastes, jusqu’à maintenant inégalés, entre l’image de l’exoplanète et son étoile parente. Ces résultats seront présentés à la communauté scientifique ce lundi par Gilles Otten, étudiant au doctorat à l’université de Leyde, lors de la conférence In the Spirit of Lyot, à l’hôtel Marriott Château Champlain à Montréal.

Près de 2000 exoplanètes ont été détectées jusqu’à maintenant, mais seulement une poignée d’entre elles ont pu être repérées par observation directe. Les exoplanètes sont généralement un million de fois moins brillantes que les étoiles parentes autour des quelles elles sont en orbite. Ces exoplanètes sont souvent noyées dans la lumière de cette dernière lorsqu’on les observe de la Terre. Afin d’observer directement les exoplanètes et caractériser la composition de leur atmosphère, les plus grands télescopes du monde utilisent des coronographes afin de cacher le halo de lumière aveuglant de leur étoile.

Le coronographe vector-APP [1] se sert de la nature ondulatoire de la lumière pour neutraliser le halo d’une étoile pour permettre de déceler la lumière réfléchie par la planète.

Ce système est réalisé grâce à une structure de phase complexe qui ne peut être produite qu’en appliquant des techniques de structuration de cristaux liquides en 3D [2]. Cette méthode produit deux images de l’étoile sur lesquelles des demi-cercles sombres se trouvent de chaque côté de l’image de l’étoile (réf. Figure 1). De cette façon, toute la région entourant l’étoile peut être examinée afin de détecter des planètes. En superposant plusieurs couches de cristaux liquides, l’appareil peut être utilisé sur une large gamme de longueur d’ondes, incluant l’infrarouge, où le contraste entre la planète et son étoile est le plus favorable.

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Double image de l’étoile Eta Crucis captée par le coronographe vector-APP couplé au MagAO. Les deux images principales de l’étoile comportent deux demi-cercles sombres de chaque côté de celle-ci. (Crédit: Université de Leyde/Université d’Arizona)

Le 6 mai 2015 dernier, le coronographe vector-APP a généré ses premières images (à une longueur d’ondes de 3,9 µm donc dans le spectre infrarouge) couplé à l’instrument MagAO [3] monté sur le télescope Magellan de 6,5 m situé au Chili. Le système d’optique adaptative intégré au télescope permet à l’instrument d’obtenir des images nettes d’étoiles, qui sont par la suite séparées et modifiées par le coronographe pour présenter des zones sombres dans lesquelles on pourrait observer directement les planètes moins lumineuses, ce qui serait impossible sans le coronographe vector-APP.

Frans Snik (université de Leyde), inventeur du principe derrière le nouveau coronographe vector-APP a déclaré :

« C’est merveilleux de voir qu’après tout ce travail de conception et les tests en laboratoire, cette nouvelle approche fonctionne parfaitement lors de sa première nuit d’observation sur le télescope! »

Gilles Otten a ajouté :

« Nous avons su que c’était un succès dès que nous avons vu la première image sur l’écran de la salle de contrôle du télescope. »

Jared Males, chercheur postdoctoral de l’université d’Arizona et Sagan Fellow (NASA), est emballé par les possibilités qu’offre vector-APP :

« Grâce à ce nouveau coronographe, nous pouvons observer des planètes en orbite autour d’étoiles proches. Nous avons la possibilité de détecter ou d’exclure par observation directe la présence de planètes plus petites que Jupiter. »

Matthew Kenworthy, de l’université de Leyde, conclut :

« L’arrivée de cette nouvelle technologie de coronographie est une excellente nouvelle pour les très grands télescopes actuellement en construction. Les instruments d’imagerie infrarouge et thermale tels que le dispositif d’imagerie et spectrographe infrarouge moyen de l’E-ELT (METIS) peuvent tirer profit de cette nouvelle technologie pour découvrir de nouveaux mondes. En combinant le coronographe vector-APP aux prochaines générations de télescopes, nous pourrons détecter des planètes autour d’étoiles voisines avec une précision inégalée. »

La technique de design unique, utilisant des cristaux liquides employée par l’équipe, a également permis de produire des vector-APP qu’il n’aurait pas été possible de concevoir en employant des méthodes de production traditionnelles. Ces nouveaux designs génèrent des zones sombres couvrant la totalité des 360 degrés autour des étoiles ciblées. Les premières données amassées grâce à un dispositif expérimental démontrent déjà la viabilité de cette nouvelle approche (réf. Figure 2).

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Double image de l’étoile beta Centauri captée par une version expérimentale du coronographe vector-APP couplée au MagAO. Les deux images de l’étoile comportent une zone sombre couvrant la totalité des 360 degrés autour de l’étoile principale. Dans les deux cas, l’étoile secondaire est facilement détectable. (Crédit: Université de Leyde/Université d’Arizona)

[1] Pour une introduction aux principes de fonctionnement du coronographe vector-APP, see Snik et al. (2012; http://adsabs.harvard.edu/abs/2012SPIE.8450E..0MS) et Otten el al. (2014; https://www.osapublishing.org/oe/abstract.cfm?uri=oe-22-24-30287). La théorie optique a été développée originalement par Johanan Codona de L’Université de l’Arizona.

[2] Les coronographes vector-APP coronagraph for MagAO ont été développés en collaboration avec le the groupe de recherche du Dr. Michael Escuti de la North Carolina State University, and ont été produits par la compagnie ImagineOptix.

[3] L’instrument MagAO est décrit par Morzinski et al. (2014; http://arxiv.org/abs/1407.5098). Lire aussi : http://visao.as.arizona.edu/

 

À propos de la conférence « In the Spirit of Lyot »

Durant les vingt dernières années, la recherche sur les exoplanètes a rapidement évoluée pour devenir l’un des domaines les plus actifs en astronomie. Presque 2000 exoplanètes ont été identifiées jusqu’à maintenant hors de notre système solaire. La détection et la caractérisation de ces objets occupent aujourd’hui une fraction importante du temps d’observation des plus grands observatoires, et exploitent des instruments construits principalement ou exclusivement à cet effet. De plus, plusieurs projets d’observatoires terrestres ou spatiaux sont présentement développés pour repousser les limites de nos connaissances.

Ce domaine de recherche se base sur plusieurs méthodes d’observations complémentaires; la plupart des données collectées jusqu’à maintenant proviennent d’études indirectes exploitant des mesures de la vitesse radiale ou de la photométrie de l’étoile-hôte. Aujourd’hui, après des années de développement et le début des opérations d’une nouvelle génération d’imageurs à haut-contraste spécialisés dans la détection de planètes géantes, l’imagerie directe émerge comme un autre moyen de compléter notre compréhension de ces objets fascinants. C’est une méthode particulièrement intéressante pour étudier les objets les plus éloignés de leur étoile. L’imagerie directe fourni aussi un moyen unique d’obtenir de l’information sur les propriétés atmosphériques des jeunes géantes gazeuses. Les quelques découvertes qui ont été faites jusqu’à maintenant n’offrent  qu’un petit aperçu des percées majeures attendues dans les prochaines années.

La première conférence « In the Spirit of Bernard Lyot » s’est tenue à Berkeley en 2007  et une seconde édition a eu lieu à Paris en 2010. Cette conférence à Montréal sera donc la troisième édition.

Lien vers le site web de la conférence: http://craq-astro.ca/lyot2015/

 

À propos Bernard Lyot

Inventeur du coronographe, Bernard Lyot a été un pionnier dans le domaine de l’imagine haut-contraste en inventant le coronographe. Plusieurs des techniques utilisées aujourd’hui pour imager exoplanètes et disques dérivent de ce concept. Bernard Lyot symbolise la synergie entre l’innovation technologique et les percées scientifiques qui sont inhérentes à notre domaine de recherche.

Lien vers les figures HD: http://www.astronomie.nl/#!/index/_detail/gli/imagesvapp/

 

Contacts:

Dr. Frans Snik (in the Netherlands)
Leiden Observatory, Leiden University
snik@strw.leidenuniv.nl

Dr. Matthew Kenworthy (at the « Spirit of Lyot”) conference
Leiden Observatory, Leiden University
Kenworthy@strw.leidenuniv.nl

Dr. Jared Males
University of Arizona
jrmales@email.arizona.edu

 

Relation avec les médias:

Olivier Hernandez, Ph.D.
Directeur des opérations OMM / iREx
Relation avec les médias
Institut de recherche sur les exoplanètes / Institute for research on exoplanets – iREx
Université de Montréal
olivier@astro.umontreal.ca | @OMM_Officiel | @iExoplanets